Derrière moi, un joli garçon, parle allemand au téléphone. La discussion s’engage alors en allemand avec lui, puis en turc puis rapidement en anglais pour plusieurs raisons : il ne voulait pas être compris des turcs qui étaient autour de nous et également parce qu’il n’aime pas ce pays, ne se sent pas turc et se sent forcé d’y revenir pour rendre visite annuellement à ses grands-parents mais pour lui, les choses sont claires : à leur mort, il ne remettra plus les pieds ici. Cet apprenti coiffeur qui se forme dans des salons réputés en Allemagne se désengage tellement de son pays d’origine, Nizip, près de Birecik, qu’il me dit qu’il ne parle plus aussi bien turc qu’avant, qu’il préfère parler le slave qu’il a appris à Münich au lycée, ou l’allemand qu’il parle couramment et sans accent. Il me dit également qu’il s’est converti au christianisme mais que personne ici ne le sait. Il me fait comprendre que si sa famille venait à l’apprendre, ils le tueraient…

Depuis qu’on est arrivé dans l’Est de la Turquie, on rencontre un nombre incroyable de voitures françaises, ou plus largement européennes : nombreux sont les immigrés à revenir au pays pour l’été. Ca nous fait drôle de voir l’envers du décor car lorsqu’on est en France, on plaisante sur les voitures surchargées qui partent au bled, et ici, on réalise combien la route est longue pour eux de faire toute cette route.

Je viens de lire un livre de Tahar Ben Jelloun, le pays, que je vous recommande justement sur ce sujet, un immigré marocain qui aime son boulot en France, qui aime revenir au pays l’été, et qui soudain se retrouve… à la retraite, et toute une introspection s’en suit sur ce que sont devenus ses enfants, sur la valeur de l’Islam, sur son rapport à son pays et à la France. Vision très « sociologique » et touchante.